Douter. Avoir peur. Accepter. Grandir. Avancer. - Au Vert avec Lili

Douter. Avoir peur. Accepter. Grandir. Avancer.

Hier soir, je disais à mon mari que la situation actuelle aura au moins le mérite de mettre en lumière les personnes qui ne sont d’ordinaire pas valorisées dans leurs professions : soignant·e·s, enseignant·e·s, commerçant·e·s, caissier·e·s, agent·e·s de collecte de déchets, postier·e·s et livreurs·ses, routier·e·s, policier·e·s et gendarmes, et j’en oublie sûrement. « Oui, ceux qui font tourner le pays », m’a-t-il répondu.

Ce matin, j’ai pris connaissance du coup de gueule qu’une copine infirmière a posté sur Facebook, déplorant le manque de moyens pour se protéger et protéger les patients, et je me suis sentie soudain très petite. J’ai songé à toutes les personnes qui prennent des risques chaque jour, tandis que je reste chez moi, à tourner en rond, ou presque. J’ai ressenti de la honte, de la culpabilité, de l’injustice et de la colère.

Et puis mes pensées m’ont amenées vers un terrain plus doux, moins « noir et blanc », un endroit avec de multiples nuances, un lieu beaucoup plus apaisé. Je me suis rappelée que ce qui est valable aujourd’hui est valable également tous les jours de l’année, Covid-19 ou non.

Chaque matin, je veux remercier les soignant·e·s, enseignant·e·s, commerçant·e·s, caissier·e·s, agent·e·s de collecte de déchets, postier·e·s et livreurs·ses, routier·e·s, policier·e·s et gendarmes, et les autres que j’oublie. Mais pas que. Chaque matin, j’aimerais applaudir les personnes que je côtoie directement ou non. Certes, je ne le fais pas, parce qu’au saut lit, mon corps et ma tête se branchent en mode « autopilote », avec un champ de vision plutôt restreint. Cela ne m’empêche pas néanmoins d’être persuadée que tout être vivant a sa place et son rôle à jouer. TOUS LES JOURS DE L’ANNÉE.

Considérer qu’un individu a plus de valeur qu’un autre, c’est entrer dans un système de pensée qui divise l’humanité depuis sa création. Juger qu’on est moins utile qu’un·e autre n’entraîne qu’isolement et séparation.

Actuellement, ce qui me fait flipper avec ce virus, c’est principalement la méfiance, la colère et les divisions qu’il entraîne. Sûrement parce que je n’ai pas été confrontée à la maladie, sûrement parce que je n’ai pas mis le bout du nez dehors depuis dix jours, sûrement parce que je n’ai qu’une représentation restreinte de l’actualité. Mais ne l’avons-nous pas toutes et tous ? Notre réalité n’est que le reflet de ce que l’on projette et ce que l’on perçoit après tout…

De la même manière qu’il y a autant de façons de vivre le confinement que de confinés, qu’il y a autant d’épreuves que d’âmes, il n’existe pas une vérité absolue à laquelle nous devons nous soumettre. Chacun possède sa propre réalité, fruit de sa manière d’aborder le monde avec ses cinq sens, son vécu, ses pensées, ses émotions…

« Sois toi-même, les autres sont déjà pris » a écrit Oscar Wilde, à juste titre. Cette phrase fait encore plus écho en moi aujourd’hui qu’hier. Même si je ne suis pas « sur le front », pour reprendre le vocabulaire des journalistes, même si je n’aide pas mon pays à garder la tête hors de l’eau, je fais ma part. En restant chez moi, tout d’abord. En m’occupant du mieux que je peux de mon fils, mon mari, mes animaux, ma maison. Cela peut paraître insignifiant parfois, cependant n’est-ce pas ce que l’on fait toutes et tous chaque jour depuis notre naissance ? L’Égo créé la séparation, l’unité naît de la Conscience.

Tout est relié. L’énergie est la même qui circule en nous et à l’extérieur de nous. Elle circule dans l’herbe et les nuages, dans les poissons et les mammifères. Chez les fourmis comme chez les abeilles, chaque insecte a un rôle précis à jouer. Très organisées, ces petites bêtes savent les taches qu’elles ont à accomplir et mettent du cœur à l’ouvrage, peu importe la mission qui leur a été confiée. Mon Égo aimerait parfois me faire croire que certains jobs sont plus nobles que d’autres, et que rester en partie chez moi, à m’occuper de mon enfant, est loin d’être gratifiant. Parfois, j’ai même le sentiment de gâcher mon potentiel, de m’être trompée de route. Je me sens alors impuissante, frustrée, déçue, seule. Et encore plus inutile.

En période de confinement, je soulève qu’il est plus fâcheux pour moi de vivre avec les croyances que j’ai accumulées au fil des années et qui tournent en boucle dans ma tête. Loin des stratégies que j’ai pu mettre en place pour me donner une illusion de grandeur, je me retrouve pelée de toutes mes couches, comme un oignon mis à nu. Dépouillée de mes occupations, je remarque que l’agitation dans laquelle je me rassurais n’était qu’un rempart à… moi-même.

Je n’ai plus d’excuses pour ne pas vouloir jouer avec Gabriel parfois, pour râler de temps en temps, pour effectuer mille activités à la hâte, souvent en simultané, « faute de temps ». Mon refrain depuis le 17 mars : « je n’ai pas à faire, juste à être ». Ceci est valable pour aujourd’hui et pour tout le temps aussi. Pourquoi l’inaction est-elle si compliquée à mettre en place ?

En 2020, à l’heure de toutes les possibilités, je m’aperçois que la liberté n’est qu’une chimère, une illusion. La semaine dernière, je me plaignais de devoir subir la situation actuelle. J’avais même du mal à croire que nous entrions dans une période de crise sanitaire. Je présumais que j’allais m’endormir, me réveiller huit heures après et que tout serait redevenu « comme avant ». Quelle naïveté ! Car nous voilà soumis à la loi de la Nature. Celle-là même que nous avons tenté de repousser en construisant des villes, des hôpitaux, des centres commerciaux, des villas.

Pourquoi nous targuons-nous de pouvoir échapper à notre état naturel ? Est-ce parce que nos parents nous ont fait croire que nous pouvions choisir qui nous voulions être ? Est-ce parce que nous avons grandi en imaginant que nous avions le droit de décider de notre identité, de notre sexualité, de notre profession, du lieu de notre résidence, de nos activités quotidiennes ? Avons-nous simplement oublié que la vie ne nous devait rien ?

« Sans doute espérais-tu passer ta vie entière sans douleur ni chagrin…» est une phrase de Patrick Besson qui me suit depuis que je l’ai lue dans « Encore que ». C’était en 2004. Lorsque j’en ai pris connaissance, je me suis arrêtée de respirer. Je vivais alors une des périodes les plus douloureuses de mon existence. Je me suis aperçue que je souffrais doublement : à cause de la séparation que j’étais en train de vivre et du dégoût de moi-même que je ressentais d’une part, et d’autre part parce que je doutais de la nécessité de traverser cette affliction. J’estimais qu’avoir mal, physiquement et moralement, ce n’était pas « normal », pas « juste » ni même « envisageable ».

Nous souffrons lorsque nous souhaitons que les choses soient différentes de ce qu’elles sont.

Encore aujourd’hui, je me prends à questionner mes douleurs au ventre et les questions qui trottent dans ma tête. « Est-ce normal de subir des crampes abdominales et des reflux ? Et puis ces émotions de honte, de colère et de tristesse qui me plombent si souvent… ce n’est pas ça vivre quand même, si ?! Je ne dois pas être comme il faut, j’ai un problème, je suis abimée… » Et ma rengaine actuelle : « nous ne devrions pas connaître une telle situation, cela devrait se passer autrement ! » Vraiment ? À quel moment ai-je intégré le fait que le bonheur profond et durable m’était dû ?!

En 2010, les élèves de Terminale ont planché sur la question du bonheur, avec ce sujet proposé lors de l’épreuve du baccalauréat en philosophie : « La recherche du bonheur est-elle une illusion ? » Les livres de développement personnel que j’ai dévorés jusqu’à aujourd’hui, de manière presque compulsive, m’ont amenés à la conclusion que la joie est l’état de base de tout être humain. J’en ai déduit que si je ne demeurais pas dans la félicité, c’est que j’avais loupé un truc.

J’ai compris que s’il était louable de chercher la paix intérieure, comparer, ne pas parvenir à se détacher de ce qui nous arrive, chercher à contrôler les gens et à forcer les choses fait partie intégrante de l’expérience humaine.

Admettre que la vie est impermanente, qu’«il n’existe rien de constant si ce n’est le changement », comme a relevé sagement Bouddha, que les sentiments, tout comme les expériences que nous traversons sont éphémères, c’est le début d’un immense soulagement. S’attacher à quoi que ce soit (une émotion, une personne, une croyance…), c’est nager à contre-courant. Et c’est épuisant. Vouloir que la réalité soit autre que ce qu’elle est… est vain. Prendre conscience de cela est une chance. En effet, les vagues qui vont et viennent sont aussi une promesse de changement !

Chaque seconde, plusieurs choix s’offrent à moi, à commencer par la manière dont je veux aborder une situation : en grinçant des dents ou en acceptant ? En restant au lit à attendre que le temps passe ou à danser sans aucune raison ? Avant-hier, j’ai dansé. Hier, j’ai préféré la couette. Ce matin ? J’hésite encore. Car être souple et malléable, c’est aussi lâcher prise sur ce que l’on pense que l’on devrait être… Mon « Idéal du Moi » (pour reprendre Freud) estime que je devrais sourire tout le temps ; ma nature humaine a quant à elle besoin de pleurer un bon coup… Et c’est OK, n’est-ce pas ?

Tout comme nous n’avons pas le même rôle à jouer en période de Covid-19 et de confinement, tout comme nous ne pouvons pas toutes et tous être auprès des malades ou remplir les rayons des magasins, nous ne pouvons pas aborder les circonstances de la même façon. Et cela ne veut surtout pas dire que telle conduite est supérieure à telle autre. C’est pourquoi, d’après moi, les meilleurs ingrédients à déployer en ce moment-même sont l’empathie et la bienveillance.

L’empathie, c’est se mettre à la place de l’autre. Souffler « je comprends, j’ai traversé des émotions similaires, je suis donc en capacité d’accueillir les tiennes ». La bienveillance, c’est être indulgent envers l’autre. C’est se mettre en lien avec ses besoins, à lui, à elle… et les siens. Ces deux-là se baladent en tandem et sont parmi nos outils les plus précieux.

Si nous devons subir les affres d’une force extérieure à nous-même, sur laquelle nous n’exerçons aucun contrôle, nous pouvons néanmoins choisir l’attitude que nous souhaitons adopter et le rôle que nous voulons endosser. Ce dernier peut être aussi simple que soutenir nos proches, envoyer des messages d’amour ou d’humour, préparer un gâteau à quatre mains, ou encore prendre une douche, s’habiller, se rassurer et aller de l’avant.

Chaussures
Avancer. Tomber. Se relever.
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14 réponses

  1. Coucou Lili,

    Je viens prendre le temps de lire ton article et wow, tes mots me parlent tellement.
    Je suis en plein cheminement, je me reconnecte, me recentre, me libéré du poids de certaines croyances militantes et j’essaye d’être tout simplement en ne me jugeant pas (ce qui entre nous est le plus difficile)
    Merci pour ce joli texte sur tes pensées.

    1. Coucou Emilie,
      Merci beaucoup de m’avoir lue et écrit, je suis très touchée. :)
      Je t’embrasse,
      Lili

  2. Bonsoir,
    Je tombe sur votre blog un peu par hasard à la recherche de recettes pour un nouveau mode d’alimentation. C’est drôle le choix de ce mot, tomber…car c’est exactement la sensation qui m’habite en ce moment. Mais que le hasard fait bien les choses car vos mots me rappellent que ce n’est pas grave de tomber mais ce qui me pèse c’est surtout l’énergie que je dépense pour lutter contre la chute. Merci de me rappeler que je ne tombe par hasard et que ce qui compte c’est la direction que je prendrai en me relevant. Parfois il suffit d’un rien pour nourrir une pensée, pour créer un soulagement et souffler une lumière vers une autre direction. Merci d’avoir été mon petit rien ce soir.
    Prenez soin de vous.

    1. Bonjour Justine,
      Merci beaucoup pour vos mots. C’est si bien écrit et je suis très touchée car je me retrouve aussi dans vos propos. :)
      Bonne journée, à bientôt.
      Alice / Lili

  3. Merci pour ce texte très juste et plein d’humanité. Je partage tous ces ressentis, et cette aspiration à être, tout simplement. Paradoxalement cela nous semble très difficile, alors que c’est simplement notre nature. La vie est pleine de paradoxes :). Merci beaucoup Lili !

  4. Je partage aussi ce ressenti de me sentir inutile, ou plutôt impuissante, face à la situation actuelle. Alors je fais de mon mieux, je soutiens comme je le peux ceux qui tout les jours se battent pour tenir hors de l’eau le pays, en espérant pouvoir un jour les aider un peu plus qu’en simplement les applaudissant tout les soirs à 20h. C’est vrai que c’est difficile de trouver sa place, et je pense que ce confinement nous permet à beaucoup de se remettre en question !
    Bon courage et merci beaucoup pour votre article !

  5. Merci pour ces 2 posts qui me parlent tellement!
    Je venais sur votre blog pour les recettes, étant moi aussi au régime. Récemment, j’ai lu votre article sur la candidose très utile. J’essaye depuis 3 mois de me délivrer de cette présence comme jamais… mais avec le confinement, elle en profite.
    Votre perception des choses rejoint la mienne et ça me fait du bien!

    1. Merci Fanny pour votre message.
      Sur mon chemin anti-candidose, j’ai remarqué que c’est quand je l’oubliais qu’elle partait… Alors que quand je focalisais dessus souvent, je ne voyais qu’elle.
      Bon courage !
      Bien à vous,
      Lili

  6. Superbe article, tellement vrai !!!
    Merci ma Lili <3
    Prends soin de toi et de ta famille, des bisous tout doux !!

Les commentaires sont fermés.

Alice, maman d’une petite tornade, humaine imparfaite, auteure et coach de vie orientée bien-être.

Je partage sur mon blog des p’tits plats et desserts du quotidien pour toutes et tous, quel que soit votre régime alimentaire.

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